jeudi 6 mars 2014

M. Martelly (Haïti): "Les ONG ont tout déstabilisé, c'était un Etat parallèle à l'Etat"

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c'était un Etat parallèle à l'Etat"
L'invité du grand Oral est Michel Georges Martelly. Le président d'Haïti était en tournée cette semaine en visite officielle en Belgique, auprès des instances belges mais aussi des instances européennes, dont le président Herman Van Rompuy. L'ex-chanteur, icône de son pays, a pris la direction politique après le tremblement de terre qui a dévasté le territoire et la population, il y a eu 4 ans. L'homme se bat pour dire les efforts faits depuis pour
reconstruire Haïti, un pays qu'on a souvent dit géré par l'argent des ONG. Et est visiblement prêt à briguer un nouveau mandat. A la fin du Grand Oral, c'est lui , l'ex chanteur, qui exceptionnellement interprétera le choix musical de l'invité. Une première pour lui depuis trois ans: il n'avait plus chanté depuis son accession à la présidence.

"Le pouvoir, la dictature ne m'intéresse pas, c'est le développement qui m'intéresse"
Haïti n'est-il pas un pays sous perfusion aujourd'hui ? Certains le décrivent comme la république des ONG, avec 90% des moyens attribués à Haïti qui sont gérés par les ONG elles-mêmes ? .

MM - Les ONG ont joué un rôle qu'elles ne devaient pas jouer. Elles ont tout déstabilisé parce que l'Etat s'est effondré à partir de ce moment. Même les cadres les plus performants n'ont pas voulu intégrer l'administration publique mais plutôt les ONG qui étaient plus aptes à payer .
Elles ont détruit l'Etat en quelque sorte, les ONG ? C'est ça que vous dites ?
MM - Oh oui, oh oui. Il y avait un état parallèle à l'état. Mais je dirais quand même qu'au moment du séisme, elle ont joué un rôle important. Parce que, à ce moment, puisqu'on avait pas la culture du séisme, il s'agissait de survie. Donc, ces ONG sont intervenues pour apporter de l'eau, offrir à manger et apporter des vêtements, des matelas, un peu de tout.
Vous voulez dire qu'on n'a pas respecté le fameux adage : " Si tu donnes un poisson, un jour il aura à manger. Si tu lui apprends à pêcher, il aura à manger toujours ". Pour le moment on a donné du poisson, on n'a pas appris à pêcher ?
MM - On n'a pas appris à pêcher, d'une part. Mais, d'autre part, on aurait pu aussi recommencer la reconstruction avec cet argent.
Duvalier? "Je suis pour la réconciliation, dans un pays où on s'entretue, on se déchire"
EXTRAIT 2 - Jean-Claude Duvalier, l'ex dictateur, accusé de crimes, circulait librement dans le pays et était présent aux commémorations du 210ème anniversaire de l'indépendance en début d'année. Cela veut-il dire que vous êtes toujours dans la logique de l'amnistie que vous prôniez lors de votre campagne électorale ?.
MM - Je n'ai pas invité Jean-Claude Duvalier aux festivités du 1er janvier 2014. J'ai invité les neuf anciens chefs d'état, qui vivent encore à Haïti, à se joindre à moi pour la célébration du 210ème anniversaire de notre indépendance. Parce que j'ai pensé que cela valait le coup ! Moi, je regarde Haïti, je me dis qu'Haïti ressemble à un pays où il y a eu la guerre. La guerre nous a ravagés. On s'entredéchire, on s'entretue. Il y a des secteurs qui s'affrontent constamment. Ou bien on est Duvalier ; sinon, on est Lavalas. Aujourd'hui on est peut-être Khawly, on est Martelly. Et, on n'accepte pas nos différences. Moi, c'est là que . je fais la différence justement.
Vous êtes pour la réconciliation?
MM - La réconciliation ! Et moi, je suis plutôt tolérant à ce niveau. J'ai fait l'expérience au sein de mon orchestre.
"Je suis là pour faire le boulot que d'autres ne voulaient pas"
Vous êtes à la fin de votre mandat. Que vous dites-vous : je suis là pour un mandat et relancer la machine, ensuite je me retirerai. Ou je vais y rester longtemps ?
MM - Moi je dis aujourd'hui que je suis en politique. Bon ., je ne peux pas nier que je suis aujourd'hui politicien. Mais je n'ai jamais voulu être un politicien, j'ai toujours voulu faire du développement. Et, au pays, relever le niveau de vie, favoriser les plus démunis. J'ai toujours été dans le social et c'est ce qui m'intéressait. Mais parce qu'il n'y avait pas de gens à s'intéresser à faire ce boulot donc, j'ai décidé de le faire. Et donc, un mandat, cinq mandats, vingt mandats , trois jours qui me restent, pour moi cela importe peu.
"L'opposition en Haïti est emmerdante, car elle veut bloquer l'avenir des gens"
Estimez-vous qu'être président est plus difficile que ce que vous aviez estimé ? Est-ce difficile d'être président ?.
MM - Ce qui est difficile, c'est que parfois vous avez une opposition qui n'a rien de mieux à proposer et qui se contente à vous bloquer. Ça c'est dur, et cela devient, pas difficile, mais excusez le mot : emmerdant !
Vous n'aimez la contradiction ? Vous n'aimez pas l'opposition ?
MM - Non, je suis pour . Je vous ai dit que j'étais tolérant. Vous avez une opposition chez vous, il y en a partout ! Mais je vous ai dit tantôt que le cas d'Haïti était particulier. Une grande majorité de la population n'a pas accès à l'eau potable, donc on ne peut pas jouer avec cette situation. Une grande majorité de la population n'avait pas accès à l'éducation. Donc, on ne peut pas se battre entre nous ou bien bloquer le développement parce qu'on veut le contrôle du pouvoir . Il faut être sérieux.
Vous trouvez qu'il faudrait une démocratie un peu réduite, une sorte de dictateur éclairé ?
MM - Bon, la démocratie est ce qu'elle est. La dictature ne m'intéresse pas, le pouvoir en lui-même ne m'intéresse pas. Le développement m'intéresse. Mon ambition c'est de pouvoir changer Haïti et faire en sorte que ces images - qu'on vous montre tout le temps d'Haïti - que ces images ne soient plus sur le petit écran.

RTBF, avec Le Soir

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