dimanche 29 décembre 2013

Les personnalités de l’année 2013 retenues par Le Nouvelliste

En 2013, quelles sont les personnalités qui ont marqué l’année ? A cette question, Le Nouvelliste répond dans cette édition. Comme cela nous est devenu une habitude, par ordre alphabétique et sans prendre en compte ce qui est bien ou mal dans leur parcours, nous publions la liste des 12 personnalités qui ont pesé sur l’année qui s’achève. Les personnalités de l'année n'ont pas réalisé de miracles, mais ont tous occupé le devant de la scène.


Andress Apollon : Ancienne figure flamboyante du cabinet du président Michel Martelly, Andress Apollon avait tout pour elle quand elle prend la direction de la compagnie Electricité d’Haïti (EDH). Les recommandations, le discours, les diplômes, les appuis et les contacts. Elle a tout en poche ; même le mandat de reformer la compagnie et le secteur de l’énergie électrique en général.

Un an après, elle est débarquée comme un pirate indésirable du bateau de l’EDH en déroute, laissant l’entreprise au fond d’un déficit abyssal.

Détestée par tout le lobby de l’électricité, Andress Apollon n’aura pas réussi à faire passer les réformes  dont elle rêvait ni à rencontrer les objectifs ambitieux qu’elle affichait lors de sa nomination.

Encore une fois, un cadre parachuté de l’extérieur échoue piteusement. Est-ce le milieu le problème, est-ce notre réticence à la modernisation ou Haïti est-elle le récif où tous les égos font naufrage ?
Pour illustrer définitivement son échec, la diplômée des meilleures universités américaines est remplacée par un ancien directeur de l’EDH, et son directeur adjoint, vieux routier de l’EDH, reste en poste. Depuis, Andress Apollon off, le black-out recule. A quel prix, c’est une autre histoire.

Pierre Richard Casimir : Le ministre des Affaires étrangères de l'administration Martelly Lamothe se retrouve, par un concours de circonstances, à la pointe d’un délicat combat diplomatique. Alors que les intérêts haïtiens et dominicains convergent comme jamais cela n’a été le cas dans l’histoire, le ministre doit promouvoir auprès des alliés d’Haïti la condamnation de notre voisin sans paraître désirer le résultat qu’il recherche.

L’arrêt de la Cour constitutionnelle dominicaine, ayant dénationalisé des Dominicains d’origine haïtienne, est une infamie savamment mise en place par le parti et sous la direction de Leonel Fernandez, celui qui s’était fait passer comme le meilleur ami d’Haïti. C’est contre ce maître de la politique dominicaine et ses alliés que Casimir guerroie.

Avec une machine diplomatique erratique, Casimir mène une bataille dans laquelle il a très peu de supports, car ceux qui en veulent à la République dominicaine ne lui souhaitent pas que du bien et ceux qui le soutiennent n’en veulent pas pour autant à la République dominicaine.

La diplomatie haïtienne, sous la direction de Casimir, joue aussi contre l’ONU et le choléra pendant que le gouvernement doit garder la Minustah dans nos murs le plus longtemps possible. Dans les deux cas, Casimir doit ménager la chèvre et le chou même s’il sait que la chèvre mange le chou.

Moïse Jean-Charles : le sénateur du Nord a une longue réputation de batailleur, de combattant, de trouble-fête, d’empêcheur de tourner en rond. S’il était déjà dans le palmarès des personnalités 2012 établi par Le Nouvelliste, il n’a rien perdu de sa célébrité en 2013.

Moïse, plus connu que Jean Charles, est celui qui a pris son bâton de pèlerin pour dénoncer, dans toute l’Amérique latine, la présence de la Minustah en Haïti. Il est aussi celui qui continue d’enlever son sommeil à Michel Martelly avec ses accusations où se mêlent le vrai, le vraisemblable et le faux. Enfin, pour la première fois, sorti des rangs larges de Lavalas, Moïse, en leader émergent, met en péril la suprématie absolue de Jean-Bertrand Aristide sur les troupes fidèles à l’homme de Tabarre.
Le sénateur Moïse a même réussi l’exploit d’éteindre le différend naissant avec JBA au grand dam de tous ceux qui attendaient avec délectation ce choc au sommet.

Moïse sait donc ménager ses alliés et moduler sa force. L’avenir dira s’il pourra convertir le capital sympathie construit avec sa hargne en force politique.

Jean-Paul Coutard : vouloir construire un engin de ses propres mains est souvent un rêve d’enfant qui ne va pas plus loin. Jean-Paul Coutard a su persévérer et, de boulon en écrou, réaliser son projet d’inventer de a à z un autobus.

Et il roule le Coutard, de l’appellation commerciale éponyme du bus qui a pu relier Port-au-Prince à Saint-Louis du Nord, ville natale du mécanicien-assembleur où sa famille fait le commerce de transporter des passagers depuis son enfance.

La persévérance de Jean-Paul Coutard et son audace porteront le ministère de l’Economie et des Finances à mettre la main à la poche pour lui donner des subsides. Jusqu’où ira le Coutard, l’avenir dire le reste au pays des tap-tap.

En attendant, son rêve fait des émules. Petit à petit, d’autres constructeurs en herbe se voient industriels ou tout au moins maîtres de leur envie.

Stanley Handal : avec trois de ses frères et des investisseurs indiens, il a monté le premier vrai établissement hôtelier du pays de ces dernières années. Un franc projet hôtelier est une rareté dans le paysage haïtien où souvent une maison se transforme en gîte, hôtel ou palace.

Premier comme l’indique son nom, le Best Western de Pétion-Ville l’est surtout parce que le produit a été conçu et réalisé en respectant toutes les règles de l’art sous la houlette d’une chaîne internationale d’hôtels et de professionnels dont c’est le métier de construire des hôtels.

Il n’y a ni fausse note ni à-peu-près dans le projet Best Western Premier de Pétion-Ville. Il n’y a pas de place pour l’amateurisme non plus. Chaque centimètre carré du petit terrain qui loge cet établissement de 106 chambres a été utilisé à merveille. Les propriétaires et investisseurs ont attendu que tout soit fini pour l’inaugurer.

Pour ne rien gâcher au plaisir, l’hôtel Best Western de Pétion-Ville est un écrin parfait pour l’artisanat et le bon goût haïtiens.

L’hôtel est aujourd’hui l’étalon pour les Hibiscus que compte décerner le ministère du Tourisme si l’objectif de ce label vise la qualité et la recherche de l’excellence.
Reste le projet commercial. Pétion-Ville est au bord de la saturation hôtelière et les touristes ne suivent pas l’enthousiasme du secteur pour remplir toutes les chambres construites ces dernières années. Il faudra pour chaque enseigne inventer l’avenir et trouver les clés du succès. Le Best Western doit lever ce défi comme les autres établissements de la place.

Jean Serge Joseph : c’est le cadavre le plus encombrant de l’année. Le juge Jean Serge Joseph a pris en son âme et conscience la décision de convoquer la famille présidentielle et des membres du gouvernement, dont le Premier ministre Laurent Lamothe pour répondre à des questions sur une affaire d’accusation de corruption. Ce pas franchi, il a mis le pied dans un engrenage. Les opposants au régime Martely ont vu en lui un héros et les proches du président un ennemi. Puis vint, dit-on, une rencontre dont on ne sait qui y a ou ont participé ni où elle a eu lieu. Quelques jours plus tard, dans un hôpital, le juge meurt. Tout s’ébranle. Les accusations fusent. Un procès est ouvert avec l’opinion comme seul juge.

Avec le juge Jean Serge Joseph la Justice haïtienne a cherché à imposer son indépendance. Sans succès. Prisonnier des passions politiques comme des murs du pouvoir, la justice et ses auxiliaires assis et debout ont du chemin à faire sans vraiment savoir ce qui les attends au bout de la route.

Don Kato ( Antonio Cheramy ) : qui n’a pas utilisé au moins une fois cette année les mots « Aloral » ou « Ateri » n’a pas vécu en Haïti. Même les autorités gouvernementales, le Premier ministre Laurent Lamothe en tête, ont fait du slogan Ateri leur arme de choix pour expliquer leur volonté de bien faire les projets. Aloral a retenti comme le cri de guerre de tous ceux-là fatigués par une propagande omniprésente et qui ont cherché avec ce slogan à mettre en perspective les promesses et les bilans du l'administration Martelly-Lamothe.

Aloral et Ateri sont deux gimmicks du groupe Brothers Posse extraits de leur méringue carnavalesque 2013. Pour avoir si bien ciblé le pouvoir en place, Don Kato et le groupe seront exclus du défilé carnavalesque à deux occasions en dépit du fait qu’ils possèdent la meringue la plus populaire de 2013.

Le pouvoir en place les écartera aussi du partage du gâteau réservé aux artistes les plus incolores et inodores de la scène musicale.

Par précaution, artiste lui-même au verbe de feu, le président Michel Martelly préfère la politique de la bouche bâillonnée à celle de la libre expression. Don Kato, ami de Michel Martelly, avec son Aloral et son Ateri aura accès au succès et à la reconnaissance populaire, mais pas à la mansuétude présidentielle.

Dany Laferrière : Il est le paradoxe vivant par excellence de ce pays réputé pour l’aura de ses écrivains, le grand nombre de livres publié par tête d’habitant et le taux élevé d’analphabétisme de la population.

Dany Laferrière représente aussi à merveille l'élément de la diaspora qui a réussi, le p’ti gars resté accroché à ses racines provinciales et un grand voyageur qui a le monde pour patrie. Quel mélange et quelle œuvre en est sortie !!! Magistral !!!

Interrogé par Claude Bernard Sérant sur le secret de sa réussite, Dany a eu cette réponse lumineuse et inspirante : « Je n'ai pas de secret.  Le travail.  Et l'arrogance de croire que rien ne m'est impossible.  Pour empêcher un Haïtien de rêver, il faudra l'abattre.  Tant que je serai vivant, j'irai partout où je voudrai, «les poings serrés dans mes poches crevées.

L’élection de Dany Laferrière à l’Académie française n’est définitivement pas le point final de l’histoire de cet écrivain qui a encore de l’encre dans sa plume. Ni le fauteuil no 2 l’aboutissement suprême de sa carrière.

Colette Lespinasse : Des années que la militante des droits humains et patronne du Groupe d’appui aux réfugiés et rapatriés (GARR) se bat pour qu’un meilleur traitement soit accordé aux Haïtiens ici et à l’étranger dans le domaine de la migration.

Des années depuis que, dans le cadre de son travail, elle met l’accent sur ce qui se passe en République dominicaine. Pour ce faire, le GARR dénonce les manquements et bavures de nos voisins et fouette l’indolence des autorités haïtiennes.

Si certains reprochent à l’organisme son parti pris sans nuance, force est de constater que le GARR sensibilise mieux que quiconque au sort de catégories de nos compatriotes que nous préférons oublier.

Colette Lespinasse, après 14 années à la tête du GARR, cède sa place. Soyez assurés que le parcours de celle qui s’était illustrée à Radio Soleil aux côtés de Papi Djo ne va pas s’arrêter en si bon chemin !

Mèt Fèy Vèt ( Harry Nicolas ) : Plus connu sous le nom de Mèt Fèy Vèt, Harry Nicolas c’est Monsieur Kita Nago. Kita Nago, ce projet fou comme seules doivent l’être les belles utopies. Harry Nicolas, alias Mèt Fèy Vèt, a porté ce projet pendant des mois. Porté au sens littéral du mot, car la lourde sculpture faite d’un tronc d’arbre et de lattes surnommée Kita Nago a été portée à bras d’hommes. Portée aussi comme un bébé, car le projet, de sa conception à sa réalisation, a dû se trouver des coréalisateurs et des parrains.

Mais la vraie réussite d’Harry Nicolas et de ses amis a été de convaincre le peuple haïtien, des petites gens au président Michel Martelly, de venir, curieux ou fiers, jeter un œil ou prêter leur épaule le temps d’aider Kita Nago à traverser le pays d’une pointe à l’autre, de la Grand'Anse au Nord-Est.

Quand une équipe du Nouvelliste découvre le cortège de sublimes va-nu-pieds qui, aux environs des Cayes, transporte le colis de douleurs et d’espoir, c’est un émerveillement.

Avec Kita Nago, Mèt Fèy Vèt a pu prouver que nous pouvons réaliser des prouesses pour la beauté du geste, sans arrière-pensées mercantiles ni projet politique à courte vue.

Harry Nicolas, quand il lance Kita Nago, est déjà connu comme un passeur d’utopie. Il est celui qui fait la promotion de la production nationale et de la consommation des mets locaux dans un pays qui abandonne ses sens à l’importation.

André Michel : L’avocat a porté le plus embarrassant des dossiers contre la famille présidentielle : une affaire d’accusation de corruption contre l'épouse et le fils du président Michel Martelly.
Dans les annales récentes, c’est une première.

De plus, Me Michel, avec sa présence médiatique, a fait du non-procès voulu par les plus hautes autorités de l’Etat une cause politique.

Des fois, à l’entendre, on se demande s’il est avocat ou plaignant lui-même dans cette affaire.

Arrêté sur un autre prétexte par un commissaire du gouvernement qui perdra et la face et son poste dans l’histoire, Me André Michel est aujourd’hui une des têtes de pont de l’opposition politique.

Rumai ( Mercidieu Dorléant ) : c’est l’histoire simple d’un vendeur de douces de coco qui chante l’après-midi pour signaler son passage dans les quartiers de Santiago en République dominicaine où sa sucrerie attire le chaland. C’est aussi une belle application du croisement de la technologie et des réseaux sociaux.

Mercidieu Dorléant, alias Rumai, vivait dans des conditions difficiles comme des milliers de nos compatriotes en République dominicaine jusqu'à ce qu'un badaud poste, sur YouTube, une vidéo de l'une de ses tentatives de vendre ses « palito de coco » aux passants. Ce clip ne tarde pas à devenir viral. Voici que notre Rumai voit sa citrouille se transformer en carrosse, rapporte Ticket.

Rumai, c’est aussi le portrait type de l’Haïtien libre qui fait le va-et-vient entre Haïti et la république voisine sans jamais passer par aucun bureau d'immigration, lui qui n'a jamais eu de passeport, encore moins de visa avant que le succès ne le frappe un matin, comme le souligne Victorin Chancy dans son article.

Rumai, comme tout bon Haïtien en pays voisin, multiplie les petits boulots : porteur, travailleur dans les chantiers de construction, vendeur de bonbons dans la ville de Santiago. Il sera arrêté, reviendra en Haïti, avant de repartir vers la République dominicaine pour rencontrer un aller-mieux et même la célébrité. Toutes versions confondues, Palito de Coco, c’est près de trois millions de vues sur YouTube.

Rumai, Mercidieu Dorléant, a fait plus pour la bonne compréhension entre les deux peuples qui se partagent l’île que toute autre personnalité. Rumai et son palito de coco, c’est l’Haïtien type dans le miroir des Dominicains. C’est le portrait de tous ces compatriotes que nous abandonnons à leur sort et qui, un matin, se rappellent à notre bon souvenir.

Frantz Duval - Le Nouvelliste

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