Michel Martelly entame la troisième année de son quinquennat. Pour le
mieux, il comprend un peu plus qu’il n’est pas « le roi Mémé », le chef
suprême de la République. Le deuxième lundi de janvier 2014, toute
colère éteinte, il devra prononcer le discours traditionnel sur l’état
de la nation, en Assemblée nationale, que dirigera peut-être pour une
dernière fois Simon Dieuseul Desras , l’un de ses plus farouches
opposants. Martelly a échoué dans son projet de diriger par décret, sans le Parlement. Il a capitulé sur la pointe des pieds, sans faire des vagues. En Haïti et à l’étranger, on lui a conseillé de renoncer à ce projet fou, ce délire de « pouvoir presque absolu » dont seuls les démocrates non convaincus peuvent souffrir. Le président, avec le vote de la loi électorale par sa majorité à la Chambre des députés, a donc fait preuve d’intelligence, en évitant le mur. Cette « intelligence imposée », après l’échec à atteindre un seul objectif en 2013, les élections, guidera peut-être les actions du président de la République.
Ce seul objectif existe toujours. D’autres se précisent. En 2014, Martelly, paraît-il, va changer d’air. Et Laurent Lamothe risque d’aller voir ailleurs. Publiquement, Daniel St-Lot, porte-parole du PHTK (Parti haïtien Tèt kale), discute des failles du gouvernement dirigé par Laurent Salvador Lamothe. Les malaises, l’absence d’emprise du Premier ministre sur certains de ses ministres qui ne sont fidèles qu’au président se sont ébruités. Ce ne sont plus des fuites accidentelles. Dans un proche avenir, il est probable que le PM essuie une fronde, comme celle vécue par Gary Conille. C’est classique, même si certains souhaiteraient un peu plus d’élégance dans la rédaction du dernier chapitre consacré à Laurent Lamothe à la tête du gouvernement.
Jeudi, Yanick Mézil, ministre à la Condition féminine et aux Droits des femmes, membre du directoire du Parti Tèt Kale regroupant des fidèles du chef de l'État, dont Anne Valérie Milfort, a failli quitter le gouvernement. Ce vendredi, Mme Mézil est «ferme au poste» mais n'a pas caché que la possibilité de sa démission existait.
Si Laurent Lamothe se décide à jeter l’éponge, Michel Martelly, son ami, serait-il pris au dépourvu ? Pas si sûr. Depuis un certain temps, le replâtrage ou le changement de capitaine du gouvernement est discuté. Au palais, des appétits s’aiguisent. Mais le président sait qu’il doit construire des alliances, partager des responsabilités ou, plus crûment, le gâteau du pouvoir. Avec le PSP. Avec des sénateurs. Avec des partis de l’opposition dont le refus de se jeter dans les bras du MOPOD et de Fanmi Lavalas constitue un appui de taille par ces temps de « vle pa vle fòk Martelly ale ».
C’est le jeu politique. Le doigté de Martelly sera jugé au pied du mur, en Haïti où il y a une « chambre bien aménagée pour les erreurs » et pour la variable que personne ne contrôle mais qui est succeptible de tout chambarder. C’est la crise du salaire minimum qui couve. C’est Lavalas qui pourra, contre toute attente, se trouver un nouveau souffle. C’est le pays qui, malgré les réalisations plus tape-à-l’œil qu’à effet concret sur les conditions socioéconomiques du peuple, peut dire non à l’administration Martelly. Ici, rien n’est simple, rien n’est facile, rien n’est garanti. Et les choix sont toujours délicats. Du courage et de l'intelligence, c'est le cadeau que les chefs devront peut-être demander à Tonton Nwèl.
Roberson Alphonse
Source: Le Nouvelliste
Aucun commentaire:
Publier un commentaire